Pour une agriculture marchande et ménagère

Note de lecture par LE MOIGNE Jean-Louis

Tous les ouvrages de cette collection mériteront d'appartenir à la Bibliothèque des Sciences de la Complexité puisqu'ils abordent un problème contemporain... ici la politique agricole, en l'entendant dans sa complexité. Mais de tous, ce premier dans la série est peut-être le moins exemplaire sans doute parce qu'il est rédigé par un technocrate éminent qui ne parvient pas à se libérer de la culture élitiste de celui-qui-sait-ce-qui-est-bon-pour-vous-et-qui-s'efforce-généreusement-de-vous-l'expliquer-simplement ! A la question finale "Que faire ?" (p. 179) vont répondre quelques paragraphes nous détaillant non pas le "comment faire ?", mais le "ce qu'il faut faire" : pourquoi "faut"-il remettre en cause les accords du GATT par exemple ? Comme il est peu plausible que les sociétés y parviennent en rejetant cette incantation, on ne pourra donc rien faire... en attendant qu'une crise apocalyptique ne résolve le problème en en posant d'autres ? Faut-il vraiment "préparer les enfants d'agriculteurs au métier d'agriculteur mais sans les y enfermer ?". Pourquoi cet impératif ? Ne serait-il pas judicieux de considérer des filières moins spécialisantes ? Travers généreux, qu'on a scrupule à discuter tant on perçoit la vive conscience des enjeux que les auteurs veulent nous faire partager. Mais il ne s'agit pas ici de moquer : il s'agit d'aller plus avant dans l'imagination, I'ouverture, la délibération, l'imprévisible ; dans la disponibilité à l'émergence, dans l'appel à l'intelligence solidaire. Complexifier assez notre intelligence de l'agriculture pour qu'elle devienne par exemple une intelligence de la ruralisation.

J.L.M.