médiations des savoirs

Note de lecture par BOENISCH Gilles

NDLR : La Revue « Question de Communication » publie dans son numéro 13 (2008), une très intéressante note de lecture de Gilles BOENISCH  de cet ouvrage de Julien Mahoudeau « Médiation des savoirs et complexité. Le cas des hypermédias archéologiques et culturels », en soulignant en particulier le thème : « Penser la médiation hypermédia comme processus sociotechnique complexe, c’est déjà modifier les conditions de nos actes de médiation ».

Nous remercions Gilles BOENISCH et la Revue ‘Question de communication’ de leur accord pour l’installer dans le Cahier des Lectures MCX avec le lien vers cette Note de Lecture (lien qui donne par surcroît un accès à la version pdf), note accessible en ligne à l’adresse : http://questionsdecommunication.revues.org/1952
             1-Dans cet ouvrage, Julien Mahoudeau traite d’un sujet d’actualité et le fait en usant d’arguments clairs et pertinents. Quasi dichotomique, son écriture accompagne un propos compréhensible et progressif dans l’analyse des enjeux mis en exergue. Aussi Médiation des savoirs et complexité. Le cas des hypermédias archéologiques et culturels s’adresse-t-il autant à des néophytes qu’à des spécialistes, et a le mérite de clarifier les problématiques centrales des domaines abordés sous la forme de parties introductives ou d’éclaircissement théoriques. Fondé sur bon nombre d’auteurs de référence, Julien Mahoudeau parvient également à ne pas se perdre en paraphrases ou citations systématiques, mais à introduire le sujet sous-jacent par des arguments forts, complémentaires et chronologiques. L’objet de cette recherche est, d’une part, de dégager les by Deal Boat">caractéristiques de la convergence des techniques de médiation numérique et la valorisation culturelle du patrimoine, d’autre part, de tenter de mesurer les conditions de cette possible médiation. D’ailleurs, l’auteur résume la problématique en ces termes : « Comment se structure la rencontre entre savoirs archéologiques, hypermédias et médiation ? » (p. 19) ; ou encore : « Selon quelles modalités se réalise la conception des hypermédias de médiation du patrimoine archéologique ? » (p. 20).  2- La première partie, « Techniques digitales et médiation du patrimoine culturel » (pp. 23-102), s’attache à relater la naissance de l’ordinateur, les évolutions des techniques successives et les concepts s’y rapportant, en parallèle à ceux définissant les notions de patrimoine et de médiation. À la manière d’un archéologue et d’un historien, cette approche offre un regard distinct et pertinent sur les éléments essentiels et marquants de cette évolution, sans s’attarder sur les stéréotypes ou les détails. En découle un texte qui, dans sa facture, permet de s’approprier rapidement et globalement les raisonnements indispensables à la mise en place d’une étude qui ambitionne, selon l’auteur, de « poser les problèmes correctement, plutôt que de fournir des solutions visant à les résoudre » (p. 21 ).  3- Plus concrètement, les idées abordées trouvent pourtant des arguments concrets dans la seconde partie intitulé « Concept et usages des hyper-médias » (pp. 103-194), ou du moins, des propositions d’orientation visant à expliciter la nature complexe et pluridisciplinaire de l’influence transversale des techniques digitales sur la médiation du patrimoine. Enfin, dans la dernière et troisième partie, « Epistémologie de la médiation hypermédia du patrimoine archéologique » (pp. 195-262), l’auteur donne franchement les éléments qui, selon lui, répondent à cette nécessité de clarifier l’approche méthodologique d’une telle médiation. Il explique que la médiation hypermédia correspondrait à une configuration « explicable », reposant invariablement sur les deux mondes spécifiques de l’informatique et de la médiation du patrimoine. Elle s’envisagerait selon des rapports multi-directionnels et dans des champs d’action très larges, imposant de ce fait une relation transdisciplinaire, à la croisée de nombreux domaines. Ainsi suivrait-elle un certain nombre de processus liés à l’informatique, au patrimoine et à la médiation : l’évolution des techniques et la diffusion croissante de celles-ci ; l’accroissement patrimonial avec la démocratisation culturelle et le développement des industries comme du tourisme culturel ; le processus de valorisation scientifique et de transmission des savoirs et d’apprentissage, comme l’évolution des publics et des usages. 4- La médiatisation hypermédia du patrimoine existerait non seulement à travers ce croisement de processus, mais elle participerait en elle-même à l’élaboration ou la modification des ceux-ci. De ce fait, pour l’auteur, les enjeux sont d’ordre scientifique (afin d’assurer une nouvelle transmission des savoirs scientifiques), pédagogique (afin de développer des nouvelles formes de partage des connaissances), social (afin de participer à la démocratisation technologique et culturelle), politique (afin de promouvoir un politique culturelle), économique (afin de répondre à une offre de consommation culturelle), et gestionnaires (afin de participer au renouvellement des modalités de production, de gestion, de stockage et de diffusion de l’information). Ensuite, Julien Mahoudeau indique que la médiation hypermédia du patrimoine s’exprime dans un environnement construit, évolutif et variable : l’environnement technique avec ses contraintes et possibilités de développement, l’environnement scientifique lié à la recherche, l’environnement financier lié aux contraintes économiques, l’environnement politique lié à la valorisation du patrimoine, et l’environnement humain lié aux compétences de médiation et la prise en compte des usagers et des usages (pp. 235-236). Fort de ce constat synthétique et théorique, le chercheur tente rapidement de définir le profil d’un producteur d’hypermédia tenant compte de ces enjeux. En effet, pour lui, et en guise de conclusion, il indique qu’un producteur d’hypermédia du patrimoine se doit d’avoir une vision globale et transversale au regard de la multiplicité des problématiques et des niveaux concernés, tout en focalisant plus particulièrement sont attention sur les problématiques qui le concernent directement, c’est-à-dire celles sur lesquelles il intervient par son action : « La reconnaissance de la diversité et de la multiplicité est obligatoire pour le médiateur/concepteur hypermédia du patrimoine », ceci afin d’obtenir une « meilleure adaptation des dispositifs que nous construisons aux objectifs que nous leur assignons en termes de transmission des savoirs » (p. 267).  5- Ainsi la transversalité croissante des outils hypermédias oblige-t-elle à mieux penser les rapports qu’entretiennent les processus de production et ceux relatifs à la transmission des savoirs archéologiques : « Il nous semble qu’il faut utiliser le plus de liaisons possibles entre production et transmission, entre science et hypermédias, entre savoirs et apprentissage, entre patrimoine et économie de la culture, entre scientifiques et citoyens » (p. 266). Julien Mahoudeau invite le lecteur à considérer la médiation hypermédia dans le contexte particulier de l’approche patrimoniale, en y relevant des caractéristiques de fond communes à toutes les procédures de médiation hypermédia : la complexité, la transversalité, l’évolutivité, les usages, et le bouleversement technique et culturel que cela opère. Aussi encourage-t-il à redéfinir l’idée - peut être trop spécialisée ou stéréotypée - de la médiation culturelle. Si la prise de conscience de ce phénomène permet d’entrevoir l’ampleur de la problématique, elle ne permet pas pour autant de donner tous les éléments de réponses. En revanche, il est évident que l’on assiste à une modification des conditions de réalisation de ces productions nouvelles : « Penser la médiation hypermédia comme processus sociotechnique complexe, c’est déjà modifier les conditions de nos actes de médiation » (p. 266). Gilles BOENISCH